Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Lasse des feux du jour et sur le sol dormante,
Promène avec langueur ses désirs palpitants ;
De sa trompe ondoyante il la flatte longtemps ;
Comme un large éventail balance son oreille,
Pour écarter le vol bourdonnant de l’abeille,
Pour que de la fraîcheur le souffle bienfaisant
Autour de ses amours agite l’air pesant.
Et moi je contemplais ces monstrueux mélanges ;
Je pressais du regard leurs peuplades étranges.
Rêves de la nature encor dans son sommeil,
Rêves tumultueux dont l’homme est le réveil.
Je déployais sur eux l’ombre de mes deux ailes ;
Je mesurais mon vol à celui des gazelles.
L’autruche, contemplant mon voyage des airs,
Fendait, oiseau marcheur, le sable des déserts.
Pour me suivre, en nageant aux flots dont il s’abreuve,
Le caïman écrasait tous les roseaux du fleuve.
Ma voix aiguillonnait vers mes naissants remparts,
Le pas large et boiteux des caméléopards.
Le long du Nil, du haut de ma route céleste,  ;
De la création j’acheminais le reste ;
Comme on voit l’alouette, en planant sur les blés,
Guider dans les sillons ses petits rassemblés.

Joyeuse, et saluant les sauvages cohortes
Des nouveaux conviés que j’amène à ses portes,
Idaméelpolis les ouvre sans terreur.
Mon peuple avait grandi loin de son empereur.
Le désert, allégé de son sable inutile,
Sur un sol que mon souffle enfin rendait fertile,
Voyait de ses moissons s’épanouir l’orgueil ;
Mais les hymens de l’homme encor gardaient leur deuil.