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Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/380

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Elle monte, inondant son passage d’éclairs,
Ainsi que le soleil monte du sein des mers ;
Et tout à coup grandit, si géante et si forte,
Qu’elle fait chanceler l’archange qui la porte.
On eût dit que sur lui l’esprit de Dieu passait ;
Du frisson des terreurs son pied blanc bleuissait.
Comme un immense orage ouvrant toutes ses ailes
Dont le deuil de son âme endort les étincelles,
Il vole vers le juge, et dans les cieux vermeils
Sa chevelure sombre a voilé trois soleils.
« Seigneur, as-tu jamais, dans ton pouvoir suprême,
« Voulant glorifier un autre que toi-même,
« A quelque ange admiré du bienheureux séjour,
« Dit : — Vous êtes mon fils engendré de ce jour ! —
« Non, tu n’as salué de ce titre superbe
« Que celui qui le porte en sa splendeur de Verbe,
« Et dont l’œuvre aux enfers, de ce nom redouté
« Sur son front de martyr accroît la majesté :
« Et moi, vers celui-là, vers son supplice étrange,
« Moi, néant d’immortel, moi, poussière d’archange,
» Sans savoir si jamais je pourrai remonter,
« J’ai besoin de descendre et de lui répéter
« Ton calice en ma droite et ta gloire à mes ailes,
« L’hymne toujours vivant des sept douleurs mortelles,
« Qu’entendit le Cédron, et dont ma harpe d’or
« Depuis quatre mille ans frissonne et pleure encore.
« Me laisses-tu, Seigneur (qu’un signe m’avertisse),
« Précipiter mon vol à travers ta justice ?
« Je suis prêt… » Mais au lieu de ce signe clément,
Un souffle, redoublant l’effroi du jugement,
Passe sur l’immortel dont l’aile se déchire,
Comme sous l’ouragan la voile, d’un navire.