Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/409

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Des douze fronts de roi douze fleuves de sang
Commencent à couler le long des flancs immondes,
Et du rouge océan rafraîchissent les ondes.
Ainsi Napoléon ébranlait de son poids
Son trône, que portaient aussi des fronts de rois :
Humbles rois, à ses pieds, pâles du rang suprême,
Dont ses durs éperons rayaient le diadème,
Et qui, tous prosternés sous le fardeau géant,
Gardaient, avec terreur, leur niveau de néant !!!

Mais sur le sanhédrin qui s’agite et bouillonne,
Soudain, d’un vol bruyant, le grand sphynx tourbillonne,
Et vient s’abattre au bord de ce lac rougissant,
Dont ses quatre ailes d’aigle ont fait jaillir le sang.
« Écoute, Idaméel, dit le triple fantôme ;
« J’ai fait, trois fois sept fois, le tour de ton royaume
« Pour rencontrer ce Christ que vous déifiez.
« Quelques sentiers gardaient la trace de ses pieds,
« Mais les miens y laissaient une empreinte plus forte.
« Où donc est-il ? — plus loin,— me disait la mer Morte.
« Où donc est-il ? — plus loin,—disaient les murs de Bel,
« Et Sodome, et Gomohrre, et la tour de Babel.
« — Plus haut, — disaient les monts tremblant à mes approches,
« Dont mes ongles d’airain déracinaient les roches.
« — Cherche encor, — me disaient les volcans qu’éteignait
« La sueur de lion dont le flot me baignait.
« — Cherche encor, — répétaient les neuf cintres de flamme
« Dont l’éclat pâlissait sous mes deux yeux de femme.
« Enfin je le découvre ; et pour premier affront,
« Mes pieds ont remué la cendre de son front.
« Mes flancs triomphateurs ont brisé sa poitrine ;
« Pour mesurer le Dieu, j’ai foulé sa ruine !