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116 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

d'empressement qu'ils ne s'attendaient guère à un si grand honneur: le mariage a lieu. Dès qu'il est conclu, Savitrî dé- pouille les parures royales pour revêtir une grossière tuni- que d'écorces; elle prodigue sa tendresse à son mari, ses soins aux parents de son mari. Mais l'année s'écoule : les mois, les semaines, les jours la rapprochent du terme fu- neste qu'elle connaît d'avance : elle prie, elle jeûne, elle veille et se soumet à toutes sortes de mortilications, afin de détourner l'anathème. Cependant la journée suprême arrive; Satyavan, sans se douter de sa fin si prochaine, part, la hache sur l'épaule, pour aller au loin couper le hois néces- saire aux sacrifices: sa compagne obtient, non sans peine, la permission de le suivre :

Elle s'éloigne avec son époux, le sourire sur les lèvres, mais la terreur dans l'âme. Des bocages variés et délicieux, animés par les cris des paons, des cascades limpides, des arbres fleuris s'of- fraient de toutes parts à leur vue. « Regarde donc! » lui disait Satyavan d'une voix tendre, mais elle ne regardait que lui; car, à ses yeux, il était déjà mort: l'oracle l'avait dit. Constamment atta- chée à lui seul, elle hâtait sa marche débile, le cœur brisé, son- geant à l'heure fatale. Après avoir cueilli des fruits et rempli sa corbeille avec l'aide de Savitrî, le robuste jeune homme commença à abattre des arbustes ; mais bientôt la fatigue produisit en lui une grande sueur, accompagnée d'un violent mal de tête. Puis, se rapprochant de son épouse chérie, accablé d'épuisement, il lui dit: « Mes membres et mon cœur sont brûlants; douce amie, je souffre, le sommeil me presse, je ne puis me tenir debout. » Et elle, s'avançant rapidement, s'assit à terre et appuya sur son sein le front de son époux malade, en songeant, selon la prédiction, au mois, au jour, à l'heure, à l'instant redoutable. En effet, elle aperçoit soudain un géant, vêtu de pourpre, aux cheveux bou- clés, à la stature élevée, aussi brillant que le soleil. Son teint est bronzé; ses yeux sont rouges et ardents; il inspire la crainte: unlacet à la main, il touche Satyavan et le couve du'regard. Savitrî protège doucement cette tète adorée, et les mains jointes, le cœur palpitant, elle s'écrie: « Tu es un dieu, je le reconnais : tel n'est pas l'aspect d'un mortel. Ah! de grâce, dis-moi qui tu es: l'a i s - • niui connaître ton dessein. »

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