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idée. Laou, cherchant un parrain pour son treizième enfant, rencontre le diable, dont il refuse les offres comme n’étant pas celles d’un juste. Un peu plus loin, il refuse, pour le même motif, celles du Seigneur Jésus.

« J’ai treize enfants — pas de chance — et pas de pain à leur donner, tandis que le maître du manoir de la Roche n’a qu’un pauvre petit qui est tout chétif. »

Enfin, Laou aperçoit un fantôme ambulant avec une grosse montre taillée dans un crâne.

« Arrête, Laou ! lui crie le spectre. Tu cherches un donneur de nom pour ton treizième : tu ne trouveras pas meilleur que moi… Je suis Fanch ann Ankou (François-la-Mort).

— C’est bon, c’est bon, dit Laou. J’accepte, car vous êtes juste, vous du moins ; vous avez même justice pour les riches et les pauvres, les forts et les faibles… J’accepte, venez. »

Ceci, à prendre le ton du conteur, émane d’un marvailler qui philosophe en badinant ; la Mort évoquée par un grave disréveller serait autrement solennelle et lugubre. Pourquoi s’étonner, du reste, que, sous l’une ou l’autre allure, la camarde tienne, dans le merveilleux des Bas-Bretons, un rôle analogue à sa place dans leur existence ? Le matelot l’a devant lui, chaque jour, en hissant sa voile ; le paysan l’incorpore à sa vie. Il ne pense pas seulement aux défunts, quand arrive l’échéance annuelle, et que, le lendemain de la Toussaint, en se couchant après la veillée, on laisse des tisons dans l’âtre, du lait dans les jattes, et de la bouillie dans les écuelles, pour que les morts aimés se réchauffent et se réconfortent. Dans les fêtes, aux repas de noces, les êtres disparus ne sont pas oubliés ; et, après les chansons, le De profundis a son heure.

Le Breton brave à chaque instant la Mort dans ses contes, et — double ironie, puisque la morale s’adresse ensemble aux puissants de ce monde et de l’autre — ce sont généralement les faibles qui en triomphent, là où les forts ont succombé. Souvestre énumère les gestes prodigieux de Peronnik l’Idiot,