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Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/70

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le serf.

— Possible, reprit le jeune garçon ; mais il est d’usage que ceux pour qui a été cuit le repas mangent les premiers.

— Tu oublies que nous sommes de la suite du roi, reprit le vieux valet, et qu’à ce titre nous pouvons te tirer l’écuelle de la main ou le gobelet des lèvres et te forcer à descendre du lit où tu vas t’endormir.

— Se peut-il ! s’écria Jehan.

— Hélas ! oui, murmura Thomas avec un soupir ; c’est le droit de prise, comme ils l’appellent.

— Et vous ne pourrez même partager ce repas que je vous avais destiné, mon père ? reprit le jeune garçon.

— À moins que le vieux n’ait un privilège qui l’autorise à se réserver sa portion, répliqua le blondin.

— Je n’ai de privilège que pour ce qu’il vous plaira de me laisser, dit Thomas avec cette humble soumission des malades et des vieillards.

— Te laisser ! s’écria le valet qui avait déjà parlé. Vive Dieu ! il faudrait pour cela une plus forte pitance ; ne vois-tu pas que nous en aurons à peine pour nos dents de devant ?

— Mon père sort d’une dangereuse maladie, objecta Jehan avec impatience.

— Moins dangereuse que la faim, je suppose.

— Faites-lui place au moins au bout de la table.

— Elle est trop petite, reprit brutalement le grand brun.

— Puis, ajouta le blondin, cette poule doit avoir