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au bord du lac.

un coq dont ils pourront faire un second hochepot.

Jehan ferma les poings et ses yeux s’allumèrent ; mais Catherine lui posa la main sur l’épaule.

— Les gens du roi sont les maîtres partout, dit-elle à demi-voix ; ne l’oubliez point.

Jehan baissa la tête avec un soupir étouffé.

Quant à Thomas Lerouge, il avait accepté ce désappointement avec la patience silencieuse d’un homme qui en a l’habitude. Cependant il était aisé de voir que la privation du repas délicat sur lequel il avait un instant compté, lui était singulièrement douloureuse. Ses regards suivaient tous les mouvements des valets de meute avec une expression de chagrin, de peur et de convoitise ; ses lèvres s’entr’ouvraient instinctivement et s’agitaient comme s’il eût partagé leur repas. Deux fois même il se baissa à la dérobée pour ramasser les os à demi rongés qu’ils jetaient à terre ! Jehan, qui s’en aperçut, sentit des larmes gonfler ses paupières et sortit brusquement.

Il ne rentra qu’une heure après, chargé d’une bourrée qu’il jeta dans un coin. Les valets de meute étaient partis, et Catherine avait tout remis en place ; elle se préparait même à prendre congé de Thomas, car la nuit allait venir ; Jehan proposa de la reconduire jusqu’au petit bois, elle accepta ; mais comme tous deux allaient sortir, une nouvelle troupe se présenta à la porte de la cabane.

Cette fois c’étaient les gens de Raoul de Mailié qui venaient exécuter les ordres de monseigneur ; maître