Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
au bord du lac.

— Vous voulez dire mentiris, maître.

L’intendant rougit et les valets se regardèrent en souriant.

— La peste soit du manant qui se mêle de morigéner ses anciens ! s’écria Moreau ; l’ancien curé avait bien besoin de lui mettre en main les auteurs ; un serf ne devrait savoir que retourner la terre et tirer la charrue ; mais en voilà assez : emmenez la vache, vous autres.

— Il faudra que monseigneur l’ordonne, interrompit Jehan en la retenant toujours.

— Lâcheras-tu cette corne, misérable !

— Quand vous aurez lâché la corde.

L’intendant leva son bâton noir qui s’abattit sur la tête chevelue du jeune garçon ; mais Jehan ne laissa point à Moreau le temps de frapper une seconde fois : s’élançant vers lui, il le saisit à la gorge avec une sorte de rugissement et le terrassa sous ses deux genoux ; heureusement que les valets s’interposèrent : on écarta avec peine Jehan hors de lui, et l’intendant fut relevé.

Sa chute l’avait tellement étourdi, qu’il fut quelque temps comme un homme ivre qui se réveille ; mais à peine peut-il se reconnaître que toute sa fureur lui revint.

— Arrêtez l’assassin ! s’écria-t-il en montrant Jehan ; il a outragé un officier de monseigneur ; il faut qu’il soit jugé, jugé et pendu ! Vous m’en répondez tous.

Les valets saisirent le jeune paysan qui voulut en