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le serf.

vain se débattre ; on lui lia les mains derrière le dos, et un manche de fouet lui fut mis dans la bouche en guise de bâillon.

— Conduisez-le à la maison, reprit maître Moreau ; monseigneur arrivera demain et décidera ce qu’on doit en faire. Ah ! tu résistes à l’intendant du château, misérable ; tu crois savoir mieux que lui le latin ; tu oses lever la main sur ton maître… bien, bien, nous verrons ce qui t’en arrivera.

Et repoussant le vieux Thomas et Catherine qui le suivaient en suppliant :

— La paix, vous autres, ajouta-t-il ; la paix, vous dis-je ; il n’y a point de pardon pour de tels crimes !… La hart, la hart pour le mécréant ; et puisse-t-il aller au grand diable d’enfer.

§ 2.


Le même droit de conquête qui dans l’antiquité partagea les sociétés en hommes libres et en esclaves, avait donné naissance, dans le moyen âge, au seigneur et au serf. Celui-ci n’était donc, à proprement parler, qu’un esclave dont on avait allongé la chaîne. Attaché à la glèbe, c’est-à-dire à la terre qu’il cultivait, il devait à son maître la meilleure part de son temps et de ses bénéfices, le suivait à la guerre, et était obligé, en cas de captivité, de payer sa rançon.

Mais en revanche son pécule lui appartenait ; il vivait chez lui, labourait pour son compte, et ne rece-