Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Comment ! s’écria Ledoux, mais vous ne savez donc pas ? c’est après-demain qu’on juge ce fameux empoisonnement…

— Du docteur Papaver ?

— Précisément. L’accusé a envoyé des lettres d’invitation à tout le monde, et il m’a oublié ! comprenez vous cela ? moi, un ancien collègue !… car nous avons été ensemble vice-présidents de la société humaine. Mais je veux réclamer ! D’autant qu’une vingtaine de dames qui me savaient ami du docteur m’ont demandé des places. Ce sera, dit-on, magnifique ; six cents témoins et soixante avocats ! le président a fait prendre des mesures pour que l’on distribue, pendant les débats, de la limonade et des petits gâteaux ; dans les suspensions d’audiences, on pourra même déjeuner à la fourchette.

— Et ce docteur Papaver est accusé d’avoir empoisonné quelqu’un ? demanda Maurice.

— Toute une famille, répliqua le philanthrope ; sept personnes… dont on exposera les restes parfaitement conservés. On doit essayer le poison sur les témoins, lire des lettres qui compromettent une très-grande dame, enfin la fille du docteur, qui a six ans, déposera contre son père. Ce sera la cause la plus intéressante dont on ait parlé depuis dix ans ! Aussi les billets d’enceinte se vendent-ils déjà deux cents francs.

M. Atout déclara qu’il voulait en avoir absolument, et il suivit le philanthrope au palais.

La porte d’entrée était décorée par la statue colossale de la Justice. Elle avait les yeux couverts d’un bandeau, afin que l’on ne pût douter de sa clairvoyance ; sa main gauche portait une balance, et sa main droite une épée, comme pour exprimer qu’elle tenait moins à bien peser qu’à bien frapper.