Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/15

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Cependant toutes ces études avaient fortifié sa foi dans l’avenir, cette terre promise de ceux qui ne peuvent voir clair dans le présent. Il croyait au progrès indéfini du genre humain, aussi ardemment qu’un provincial, reçu gens de lettres, croit à ses destinées littéraires. Les fascinantes influences de la lune de miel elle-même n’avaient rien changé à ces préoccupations, car Marthe s’y était associée, et ce qui eût pu devenir entre eux un mur de séparation, s’était ainsi transformé en anneau d’alliance. Réunies dans une même espérance, leurs deux âmes formaient un foyer commun, dont les doux rayonnements s’épandaient sur tous. Ils s’aimaient dans l’humanité, comme les époux chrétiens s’aiment en Dieu… quand ils s’aiment !

Le lecteur voudra bien observer que ces explications indispensables étant ce que les grammairiens appellent une proposition incidente, nous fermerons ici la parenthèse pour reprendre le fil de notre récit.

Ainsi que nous l’avons dit, Maurice s’était retourné à la question adressée par Marthe, et tous deux se regardèrent quelque temps sans rien dire, comme on se regarde, à la lueur des étoiles, quand on habite ensemble une mansarde, à vingt ans !

Cependant, après un long silence, qui fut aussi un long baiser, la jeune femme répéta de nouveau sa question :

— À quoi penses-tu ?

Le jeune homme l’enlaça d’un de ses bras.

— J’ai d’abord pensé à toi, répliqua-t-il ; puis, ému par cette pensée, mon cœur s’est ouvert, agrandi ; j’ai été saisi d’une sollicitude attendrie pour ce monde au milieu duquel nous nous aimons, et je me suis demandé ce qu’il deviendrait dans l’avenir.