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Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/16

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— Rappelle-toi la maison où nous nous sommes connus, dit Marthe, il y avait des enfants qui venaient de naître, des jeunes filles qui entraient dans la vie, de grands parents tout près d’en sortir !… N’est-ce point là l’avenir du monde, comme son présent et son passé ?

— Pour les individus, mais non pour les sociétés, fit observer Maurice. Outre la vie qui se transmet, toujours pareille, il y a l’esprit qui varie. Les hommes sont des pierres animées dont chaque siècle construit un édifice différent, selon ses lumières ou ses désirs. Jusqu’à présent l’édifice n’a été qu’un ajoupa de sauvages, une tente de guerriers, ou une baraque de marchands ; mais le grand architecte qui doit bâtir le temple viendra tôt ou tard ; il viendra, car les signes précurseurs ont annoncé son arrivée…

— Montre-les-moi, dit la jeune femme, dont la joue vint s’appuyer à la joue de Maurice, comme si elle eût pensé qu’un des signes annoncés était un baiser.

— Regarde, reprit-il, en se penchant à l’étroite croisée ; que vois-tu devant toi ?

— Je vois de petites nuées blanches glissant là-bas dans l’azur, et qui ont l’air d’anges gardiens qui s’envolent, répondit Marthe.

— Et plus bas.

— Je vois, au sommet du coteau, une mansarde éclairée… celle où je t’ai connu.

— Et plus bas encore.

— Plus bas, répéta la jeune femme, je ne vois plus que la nuit.

— Mais cette nuit enveloppe un million d’intelligences qui veillent ! reprit Maurice avec exaltation. Ah ! si tu pouvais apercevoir tout ce qui se prépare au fond de ces ténè-