Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/180

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attelés, attendent leurs ordres, et leurs filles reçoivent une dot sur la caisse des frais de bureau.

— Mais les malades ? demanda Maurice.

— Ah ! les malades sont là-bas, dit le docteur, en montrant un sombre édifice caché au fond de longues cours, sans air et sans verdure. La vue de leurs salles est triste, elle eût déparé l’ensemble de l’établissement ; on les a cachées derrière, de manière à ne laisser voir que ce qui constitue véritablement l’hôpital, c’est-à-dire, l’habitation des directeurs. Malheureusement le terrain a manqué. Après avoir pris le jardin des médecins, le parterre des religieuses, le parc de l’économe, il n’est resté qu’une petite cour pour les convalescents ; mais comme la plupart des malades succombent, on peut, à la rigueur, se passer de promenade.

— Vous ne les recevez donc qu’au moment de l’agonie ? dit Marthe.

— Quand nous ne les recevons pas après, répliqua Minimum. Quiconque veut être reçu à l’hôpital, doit d’abord se transporter au bureau d’examen, situé à l’autre bout de Sans-Pair, attendre son tour, obtenir un certificat, puis faire huit lieues pour se mettre au lit. Grâce à ces excellentes précautions, nous sommes sûrs de ne jamais admettre de gens bien portants ; seulement, les malades peuvent nous arriver morts : c’est un léger inconvénient du bon ordre établi parmi les administrateurs. Du reste, rien n’a été négligé par eux, pour que le grand hôpital de Sans-Pair puisse servir aux progrès de la science. Nous avons toujours une salle d’essai où l’on expérimente les nouvelles doctrines. Si le malade guérit, le traitement est adopté ; s’il succombe, c’est tant pis pour le système. Il y a, en ou-