Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/181

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tre, un laboratoire pour étudier combien il peut entrer de parties, ayant un nom, dans chaque substance ; un chenil, où l’on élève des chiens destinés à être empoisonnés et dépecés dans l’intérêt de l’humanité ; des amphithéâtres, toujours riches en cadavres de choix, et une magnifique collection de squelettes sous verre. Il nous manque bien encore plusieurs choses ; la galerie des monstres n’est pas complète ; nous aurions besoin de renouveler nos bocaux de fœtus, et l’on demande, depuis longtemps, des échantillons des différentes races humaines proprement empaillés ; mais notre économe espère arriver à toutes ces améliorations par les bonis.

Maurice demanda ce que c’était.

— On nomme ainsi, reprit le médecin, les économies réalisées aux dépens des malades. Que le potage soit moins gras, boni ; le pain moins blanc, encore boni ; le vin tempéré d’eau, toujours boni ! C’est une méthode perfectionnée pour faire danser l’anse d’un panier qui renferme dix mille portions. C’est ainsi que les établissements s’enrichissent, et que les économes acquièrent des droits à la reconnaissance et aux gratifications. On peut donc dire, en principe, qu’un hôpital bien administré est celui où les malades sont assez mal pour que la caisse s’en trouve bien.

Tout en parlant, le docteur était arrivé à la première salle.

Le parquet en était soigneusement ciré, les lits élégants, les murs tapissés de nattes coloriées, et les fenêtres garnies de rideaux de soie ; mais ce luxe était déparé par l’aspect des appareils opératoires, de toute dimension, qui dressaient, çà et là, leurs bras d’acier. Quant aux soins, ils n’étaient ni plus tendres, ni plus délicats qu’au-