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Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/19

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trielles. Toutes les parties de son costume montraient l’inévitable estampille :

BREVETÉ DU GOUVERNEMENT
sans garantie aucune.

Quant à sa personne, on eût dit un banquier compliqué d’un notaire.

Il était commodément assis sur une locomotive anglaise, dont la fumée l’enveloppait de fantastiques nuages, et portait en croupe un daguerréotype de la fabrique de M. le Chevalier.

Maurice, un peu effrayé d’abord de cette apparition subite, fut rassuré par son apparence pacifique. Il regarda en face le petit homme et lui demanda qui il était.

— Qui je suis ? répéta ce dernier en ricanant ; pardieu ! dame Marthe doit le savoir.

— Moi ! s’écria la jeune femme, qui tremblait comme un auteur le soir de sa première représentation.

— Ne venez-vous point de m’appeler ? reprit le petit homme.

Maurice fit un mouvement.

— Ah ! je vous reconnais ! dit-il ; vous êtes le lutin familier des mansardes, l’ancien serviteur de don Cleophas Zambulo, le démon Asmodée.

L’inconnu frappa du poing sur sa locomotive.

— J’en étais sûr, dit-il, toujours Asmodée ; la réputation de ce drôle lui a survécu.

— Il est donc mort ? demanda Maurice étonné.

— Ne le savez-vous pas ? reprit le petit homme. Bérenger l’a annoncé :

Au conclave on se désespère :
Adieu puissance et coffre-fort !
Nous avons perdu notre père,
Le diable est mort, le diable est mort.