Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/191

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Une portion de sa gloire avait pourtant survécu à la nation la plus spirituelle, elle fournissait toujours le monde de modistes et de cuisiniers.

La Belgique, devenue contrefactrice des publications imprimées dans les cinq parties du monde, avait fini par manquer de places pour emmagasiner ses in-18 et ses in-32. Il avait fallu s’en servir comme de moellons pour construire les villes, uniquement habitées par des papetiers, des compositeurs, des brocheurs et des satineurs, chacun vivant ainsi comme le rat dans son fromage ; mais une étincelle avait un jour enflammé ces montagnes de papier imprimé, et la Belgique avait été dévorée avec son petit peuple. Lorsque Pérégrinus y passa, on en cherchait les restes dans la cendre.

À la même époque, la Suisse venait d’être achetée par une compagnie, qui l’avait enfermée d’une muraille renouvelée des fortifications de Paris, et qui exploitait ses paysages, ses cascades et ses glaciers. Un bureau de péage était établi devant chaque beauté naturelle, et l’on ne pouvait admirer la chute du Rhin qu’en prenant un billet et en déposant son parapluie. Ce parc gigantesque avait douze portes monumentales, sur le fronton desquelles la compagnie avait fait graver l’antique axiome : point d’argent, point de suisse !

L’Italie était également devenue une propriété particulière, mais interdite au public. Les États du pape avaient été achetés par un banquier juif, qui s’était ensuite arrondi en expropriant le roi de Naples, l’empereur d’Autriche et le duc de Toscane. Il avait fait relever les monuments publics, revernir les tableaux et restaurer les statues, mais le peuple était resté nu et affamé.

Pour la Turquie, c’était autre chose ! Longtemps tiraillée