Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/27

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retrouvant après un sommeil de tant de siècles, tous deux jetèrent un cri de joie, leurs bras s’étendirent l’un vers l’autre, et ils échangèrent leurs noms dans un baiser.

Un éclat de rire strident les interrompit.

Ils se retournèrent en tressaillant ; le petit génie était à quelques pas, debout sur sa locomotive fantastique.

Marthe poussa une exclamation, rougit, et ramena autour de ses épaules les plis du suaire.

— Eh bien, j’ai tenu parole, dit le déicule ; grâce à moi, vous venez de traverser onze siècles sans vous en apercevoir.

— Se peut-il ? s’écria Maurice stupéfait.

— Et vous voilà transportés au centre de la civilisation que vous désiriez connaître, continua le génie ; nous sommes ici dans l’île autrefois appelée Taïti.

— La Nouvelle-Cythère du capitaine Cook ? demanda le jeune homme.

— Aujourd’hui nommée l’île du Noir-Animal, continua le dieu. Les gros industriels du pays font fouiller le monde entier, pour se procurer la matière première de leur commerce, et vous devez à ces recherches d’avoir été transportés chez eux.

Marthe regarda autour d’elle, et remarqua alors qu’ils se trouvaient dans un immense édifice rempli de bières et d’ossements ; elle se serra contre Maurice avec un geste de frayeur.

— Oh ! ne craignez rien, reprit le génie, en riant de sa voix aigre ; on ne vous confondra point avec les morts. Vous vous trouvez chez l’un des plus respectables fabricants de l’île, M. Omnivore, qui sera ravi de voir en vous un échantillon des temps barbares. Il est averti de votre résurrection, et va venir lui-même.