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Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/307

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On vint annoncer que le dîner était servi, et les convives passèrent dans la salle à manger.

Ils y trouvèrent une table couverte des mets les plus délicats, c’est-à-dire les plus rares. Maurice cherchait en vain à reconnaître ces inventions nouvelles de la cuisine sans-pairienne, lorsqu’il aperçut aux murs d’immenses cadres émaillés qui donnaient la carte du repas. On y voyait annoncés des tartes aux pépins, des consommés de cœurs de pigeons, des compotes de langues de perdrix, des sautés de foies d’alouettes. Notre héros ne lut pas plus loin. Évidemment, la civilisation imitait ces fées des anciens contes, qui demandaient aux princesses condamnées à les servir des plats d’yeux de sauterelles ou d’ongles de fourmis. L’impossible était devenu le nécessaire.

Les convives prouvèrent, du reste, par leur appétit, combien tout était de leur goût, et les vins ne tardèrent pas à ranimer la conversation un instant languissante.

Maurice avait près de lui un jeune homme, orné d’une barbe de pacha et d’une paire de lunettes, que Prétorien lui avait présenté comme le plus brillant écrivain de la presse piétiste. Les grandes espérances que l’on fondait sur lui l’avaient fait surnommer Marcellus, par allusion au jeune héros qu’avait célébré Virgile : Tu Marcellus eris !

Sa parole était facile, et sa foi d’autant plus solide qu’elle s’accommodait de tout. On le trouvait successivement aux cafés des lions et aux vêpres, aux prédications de l’abbé Gratias, et aux bals masqués ; mais on le retrouvait toujours également orthodoxe, qu’il chantât le Dies iræ ou qu’il dansât une polonaise échevelée.

Marcellus avait d’abord appliqué sa piété à boire et à manger ; mais quand il eut rempli ces premiers devoirs