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Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/90

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du char, un de ses pieds nus, qui semblait baigner dans l’azur de l’éther. Son manteau de gaze flottait derrière elle comme une nuée, et ses cheveux blonds, retenus par un cercle d’argent, jouaient sur ses épaules.

Les jeunes Sans-Pairiens se pressaient autour de son char, comme un essaim d’abeilles autour d’une touffe fleurie.

Maurice la montra à l’académicien et demanda son nom.

— Son nom ? interrompit milady Ennui : qui ne le connaît ? c’est madame Facile… dont le mari est toujours en ambassade à six mille lieues de Sans-Pair. N’est-ce pas le président de la chambre des envoyés qui la suit ?

— Il me semble, en effet ! répondit l’académicien.

Milady fit un geste d’indignation.

— Quelle honte ! s’écria-t-elle ; un homme grave avoir une pareille faiblesse !…

— Comme vous dites… une faiblesse, répéta M. Atout, qui ne paraissait pas lui-même bien fort.

— Oser paraître avec elle, continua milady : la voir étaler publiquement une beauté trop connue !

M. Atout jeta un regard de côté, comme s’il eût souhaité la mieux connaître.

— Ne point être repoussé par le dégoût, par le mépris ! acheva la femme-corset.

Dans ce moment, madame Facile passa près de la calèche. L’air, agité par son vol, apporta jusqu’à M. Atout le parfum de ses cheveux, et son pied nu faillit l’effleurer.

— C’est scandaleux ! s’écria milady.

— Scandaleux ! répéta l’académicien, qui frémissait encore, et poursuivait d’un œil avide la voluptueuse vision.

— Partons ! reprit la première, indignée.

— Partons ! répliqua le second, en soupirant.

La calèche changea de direction. Au bout d’un instant,