un vaste atelier éclairé par la flamme des grands fourneaux :
— Vous voyez les cuisines de l’établissement, dit M. Atout, en s’arrêtant : c’est là que se fabrique le breuvage destiné aux enfants. On avait cru longtemps que l’aliment le plus convenable pour les nouveau-nés était le lait de leur mère : mais la chimie a démontré qu’il était malsain et peu nourrissant. L’Académie des sciences a, en conséquence, nommé une commission, qui a donné la recette d’un breuvage plus rationnel. Il se compose de quinze parties de gélatine, de vingt-cinq parties de gluten, de vingt parties de sucre et de quarante parties d’eau ; le tout composant une mixtion, connue sous le nom supra-lacto-gune ou lait de femme perfectionné. Une expérience sans réplique a, du reste, prouvé l’excellence de ce breuvage ; c’est que tous les nouveau-nés qui refusent d’en boire, et ils sont nombreux, tombent, par suite, dans la langueur, et meurent infailliblement au bout de deux ou trois jours. Quant aux procédés employés pour la distribution du supra-lacto-gune, vous allez pouvoir en juger vous-mêmes.
À ces mots, M. Atout ouvrit une porte, et les visiteurs se trouvèrent dans la salle des allaitements.
C’était une immense galerie garnie, aux deux côtés, d’espèces de planches à bouteilles, sur lesquelles les enfants étaient assis côte à côte. Chacun d’eux avait devant lui son numéro d’ordre et le biberon breveté qui lui tenait lieu de mère. Une pompe à vapeur, placée au fond de la salle, faisait monter le supra-lacto-gune vers des conduits qui le partageaient ensuite entre les nourrissons. L’allaitement commençait et finissait à heure fixe, ce qui donnait aux enfants l’habitude de la régularité. Tous devaient avoir un même appétit et un même estomac, sous peine de jeûne ou d’indi-