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que chacune des villes sous lesquelles passait le chemin avait ainsi un puits d’extraction pour les voyageurs. Leur wagon venait, en effet, d’être saisi par le grand bras de la machine, et commençait à monter rapidement, comme une banne de mineurs.

Lorsqu’ils atteignirent l’orifice du puits, mille cris éclatèrent à la fois, et une centaine d’hommes et d’enfants se précipitèrent vers les arrivants. Marthe crut qu’on voulait les mettre en pièces, et recula épouvantée jusqu’à M. Atout ; mais ce dernier lui apprit que c’étaient les aubergistes et les commissionnaires du pays qui venaient offrir leurs services.

Les uns répandaient sur les voyageurs une pluie de cartes et d’adresses, d’autres tenaient des plateaux couverts de rafraîchissements, qu’ils voulaient leur faire accepter ; quelques restaurateurs portaient d’immenses fourchettes garnies de volailles rôties, de côtelettes et de jambonneaux, qu’ils promenaient, au-dessus de la foule, comme un prospectus de leurs établissements. Il y avait, en outre, les brosseurs, les cireurs, les indicateurs, les porteurs, tous également acharnés à vous rendre service. Maurice n’avait pas fait six pas, qu’il s’était vu forcé d’accepter deux verres de limonade, et de livrer à trois commissionnaires sa canne, son foulard et son chapeau.

M. Atout lui faisait admirer cet empressement hospitalier, cette multiplicité de soins, cette abondance.

« Voyez, s’écriait-il, les bienfaits de la civilisation ! Une population entière est aux ordres de chacun de nous ; toutes les productions du monde viennent, pour ainsi dire, à notre rencontre ; nous arrivons à peine, et