Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà nos moindres besoins ont été prévenus ; rien ne nous a manqué ! »

Rien ne manquait, en effet, à Marthe et à Maurice, que de pouvoir respirer. Ils se réfugièrent dans la première hôtellerie qu’ils aperçurent, comme dans un lieu d’asile.

À la porte se tenait un concierge, portant hallebarde, qui leur fit trois saluts et les remit à un huissier à chaîne d’or, par lequel ils furent conduits à un valet de pied chargé d’ouvrir le salon.

C’était une immense galerie, dont le premier aspect éblouit les deux jeunes gens. Leur conducteur s’en aperçut et sourit.

« Vous voyez, dit-il, le triomphe de l’industrie ; rien de ce que vous apercevez ici n’est ce qu’il paraît. Cette colonnade de marbre sculpté n’est que de la terre cuite ; cette tapisserie de brocart, qu’un tissu de verre filé ; ce parquet de bois de rose, qu’un carrelage en bitume colorié ; le velours qui couvre ces sofas, que du caoutchouc perfectionné. Tout cela peut durer deux années, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que l’hôtelier vende son établissement et se retire millionnaire.

Comme il achevait, arrivèrent les garçons de service. Tous avaient, imprimés sur leurs vêtements, les symboles de leurs attributions : l’un, des plats, des assiettes, des couverts ; l’autre, des verres et des bouteilles ; un troisième, des viandes, des poissons ou des fruits. Ils portaient, en outre, un collier au chiffre de l’aubergiste, qui servait à les faire reconnaître.

M. Atout engagea ses compagnons à déjeuner ; mais, depuis tantôt douze siècles qu’ils ne mangeaient plus,