Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/74

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de plans lavés représentant différentes coupes de machines. Un cadre immense renfermait tous les diplômes académiques accordés à M. Atout, et rayonnant, autour de son portrait, en glorieuse auréole.

Ce portrait, passé dans le commerce, comme celui de tous les hommes illustres de l’an trois mille, se trouvait reproduit sous vingt formes. Il grimaçait dans les moulures du plafond ; il soutenait, en guise de cariatides, les consoles de la corniche ; il se reliéfait sur les bras sculptés des fauteuils. La nécessité d’approprier l’image à ces différents emplois avait seulement altéré parfois la dignité académique du modèle. Ici on le représentait contre un pied de candélabre ; là, penché en avant, et la bouche ouverte en manière de gargouille ; plus loin, plié sous une ferrure qu’il soutenait. Mais, quelles que fussent l’attitude et la destination, on y reconnaissait l’illustre Atout aussi sûrement que le gamin de Paris eût reconnu l’image de Napoléon moulée en sucre d’orge, ou même sculptée par un membre de l’Institut.

Ainsi que l’académicien l’avait deviné, madame Atout attendait Marthe et Maurice ; mais, bien que ce dernier l’eût aperçue la veille, il ne put la reconnaître : la réalité et l’apparence ne formaient plus qu’un seul être. La femme était entrée dans le corset de manière à y disparaître ; le corset seul restait visible ; lui seul vivait ; madame Atout n’en était plus que l’organe moteur !

Maurice s’inclina confondu, et ne put s’empêcher de murmurer, en sa qualité d’orientaliste :

« Le corsetier est grand !… »

Quant à Marthe, qui n’était point dans le secret, elle crut voir ce qu’elle voyait, et admira !