Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/82

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— Alors, reprit Marthe, les enfants sont élevés par leurs mères ?

— Fi donc ! interrompit l’académicien, ce serait encore pis. La civilisation a fait comprendre la folie d’une pareille dépense de temps et de soins. Ici, comme partout, nous avons substitué la machine à l’homme. De votre temps, il n’y avait qu’une université de professeurs ; nous avons agrandi l’institution en créant une université de nourrices. Le nouveau-né est mis au collège le jour de son entrée dans le monde, et nous revient dix-huit ans après tout élevé. Il serait difficile, comme vous le voyez, de simplifier davantage les liens de la famille. Plus de gênes ni d’inquiétudes ! L’enfant est aussi libre que s’il n’avait point de parents, les parents aussi libres que s’ils n’avaient point d’enfants. On s’aime tout juste autant qu’il le faut pour se souffrir ; on se perd sans désespoir. Les générations se succèdent dans la même maison, comme des voyageurs dans la même auberge. Ainsi a été résolu le grand problème de la perpétuation de l’espèce, en évitant l’association passionnée des individus. »

Comme il achevait, la calèche s’arrêta devant un immense édifice, à l’entrée duquel on avait gravé en lettres colossales :

Université des métiers-unis. — Institution pour les jeunes gens et les jeunes demoiselles non sevrés. — Allaitement à la vapeur.

Une machine, sculptée sur le fronton, était entourée de nourrissons, vers lesquels elle étendait ses bras d’a-