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les derniers bretons.

plusieurs évènemens mémorables, et qui les chantèrent en s’accompagnant avec leurs

    Un jour qu’il cheminait la tête baissée, s’abandonnant à ses rêveries, une biche plus blanche que la neige se leva tout-à-coup à ses pieds, et parut fuir devant lui avec effroi, mais avec peine cependant et comme blessée. Gradlon, dans l’espérance de l’atteindre facilement, se mit aussitôt à sa poursuite. Elle ne le devançait qu’autant qu’il était nécessaire pour l’animer à la suivre, mais elle ne se laissait jamais joindre. Enfin, après de longs circuits dans les sentiers de la forêt, elle le fit arriver à une prairie charmante, au bord d’un ruisseau dans lequel se baignait une jeune dame si belle, que, selon les expressions de l’auteur de ce poème, il est impossible de la dépeindre : sa robe d’or était près de là, suspendue à un arbre, avec d’autres ajustemens très riches, et, sur le bord de la rivière, deux jeunes nymphes assises attendaient ses ordres, prêtes à la servir. À la vue du chasseur, les nymphes s’enfuirent épouvantées. Pour lui, frappé uniquement des charmes de la dame qui se baignait, il oublia, à leur ravissant aspect, et ses chagrins et la biche qu’il suivait : il sauta à bas de son cheval, et alla d’abord s’emparer des vêtemens, dans l’intention d’obliger la belle baigneuse à sortir de l’eau pour venir les lui demander. Cependant quand elle lui eut représenté combien peu ce procédé était digne d’un homme délicat, et qu’elle l’eut prié de les lui rendre, il alla les porter au rivage, et se retira même pour lui laisser la liberté de se r’habiller. Il revint la prendre ensuite, et la conduisit dans la forêt, où, seul avec elle, il voulut profiter de son bonheur et la pria d’amour. Sa demande fut rejetée, comme elle devait l’être. Alors Gradlon, oubliant les préceptes de cette vertu sévère qui lui avait fait repousser les avances de la reine de Léon, osa ravir de force les saveurs que