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les derniers bretons.

pelle Bretons ou Armoricains. D’autres poètes anglais, Ritson Ellis, Tyrwhitt, mi-

    s’écoula de la sorte sans qu’il eût rien à désirer ; mais l’excès même de sa félicité fut précisément ce qui le perdit.

    Le roi Witol, dans une occasion solennelle, voulut tenir une cour plénière dans son château de Pencoat ; il y convia tous les seigneurs du Léonais et de la Cornouaille. Gradlon s’y rendit avec eux. Witol, dans ses jours d’appareil, avait une fantaisie fort singulière : fier de posséder, dans la reine son épouse, la plus belle femme de son royaume, sur la fin du repas du soir, quand le vin commençait à échauffer les esprits, il la faisait entrer dans la salle, et la plaçait sur une estrade élevée, d’où il la faisait contempler à toute cette foule d’illustres convives, en leur demandant si dans leurs courses guerrières ils avaient jamais rencontré une dame qu’on pût comparer à leur reine. Le dernier jour de la fête, elle parut comme à l’ordinaire ; la salle retentit aussitôt d’une acclamation générale, et l’assemblée, transportée d’admiration, s’écria que jamais sur la terre n’avait paru une femme aussi belle.

    Gradlon seul se tut ; il baissa la tête et se mit à sourire, parce qu’il pensait à sa charmante fée. Le roi et les seigneurs ne remarquèrent point ce silence, mais il n’échappa point à l’œil jaloux de la reine. « Voyez, dit-elle à son époux, tout le monde rend hommage à ma beauté ; un homme seul l’insulte, et cet homme est celui que vous avez aimé, ce Gradlon que vous aviez comblé de vos bienfaits ; était-ce donc à tort que depuis long-temps je m’étais plainte à vous de sa perfidie et de son ingratitude ? »

    Le monarque, irrité, appela Gradlon aussitôt, et le somma, par la foi qu’il lui devait, de lui apprendre la raison de ce silence