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poésies de la bretagne.

rent en vers, à la même époque, un grand nombre de pièces du même genre. Dans le

    et de ce sourire injurieux. Le guerrier répond avec respect que depuis long-temps ses yeux l’ont instruit, tout comme les autres, de la beauté de la reine, mais qu’il croit cependant que sous les cieux il peut exister une femme plus accomplie. On lui demande s’il la connaît ; pressé par ces questions, le malheureux oublie son serment de discrétion envers la fée, et répond qu’il connaît en effet une beauté trente fois supérieure à celle de la princesse. Celle-ci, transportée de fureur, exige qu’il la présente, afin qu’on les compare toutes deux, et que si la dame de Gradlon ne l’emporte pas sur elle, il soit puni avec la dernière rigueur.

    Le roi ordonna donc à l’indiscret d’aller chercher cette beauté si vantée, et de l’amener sur-le-champ à la cour. Mais hélas ! où l’aller trouver ? Gradlon se rend vainement au bord de la fontaine, parcourt tous les détours de la forêt, invoquant la fée et la suppliant de paraître ; elle est sourde à sa voix et ne se montre plus ; en vain il lui demande pardon, lui peint le danger auquel l’expose son abandon : elle demeure inflexible.

    Le temps fixé pour la conduire en présence du roi étant écoulé sans que Gradlon eût pu remplir son engagement de l’y faire comparaître, Witol le fait arrêter : il est condamné au dernier supplice ; mais au moment où le bourreau allait lui trancher la tête, la fée paraît, l’arrache de ses mains, et l’emmène avec elle dans un char traîné par deux dragons. Après l’avoir ainsi dérobé au trépas, elle le dépose dans la forêt, mais lui déclare que si elle a bien voulu lui sauver la vie, elle n’a pas pour cela pardonné sa légèreté, et ne lui rend pas sa tendresse. Elle disparaît à ses regards dans l’épaisseur du bois.