Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

JEAN

Comment ?… Oui ; je t’étonne en te disant cela !
Je me suis figuré quand elle s’en alla
Sans vouloir écouter mon appel éperdu,
Que c’était notre amour seul que j’avais perdu,
Et, frappé de ce coup que j’ai cru meurtrier,
C’est vers son corps qui fut à moi que j’ai crié !
On guérit son amour pourtant ! Je le sais bien !
Mais, trompant votre espoir — et peut-être le mien —
Si je suis demeuré sans courage et sans force
Après l’inattendu de cet affreux divorce,
C’est qu’enfin j’ai compris, comment, abandonné,
J’avais perdu bien plus qu’elle ne m’a donné,
Et que le jour épouvantable de sa fuite,
Elle entraîna dans la nuit d’hiver, à sa suite,
Avec son corps, avec ses yeux, avec ses lèvres,
Tous mes efforts, tout mon courage et tous mes rêves !

S’animant.

Ah ! tu crois ma pensée encore sous son charme,
Tu crois que je l’appelle, et quand tu vois mes larmes,
Tu me dis : « Pleure-la ! Pleure, puisque tu l’aimes ! »
Ce n’est plus elle que je pleure ! C’est moi-même !

KAATJE

Jean, je t’en prie !

JEAN

Jean, je t’en prie ! Oh ! laisse-moi parler un peu
De ces choses ! Crois-moi, je fais ce que je peux.