Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/21

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drames, il songe à toute la destinée humaine, il bâtit son œuvre sur les tombeaux dont est fait le sol de toute la terre habitée depuis des siècles et des siècles, et c’est l’angoisse, la peur et l’effroi de tout l’être humain en face de l’inconnu et de la mort, en face des ténèbres et de la nuit, qu’il nous dévoile. Seulement, dans sa manière de trembler et de craindre, dans sa manière d’appréhender et de frémir, on sent quelqu’un d’ici, on sent le Flamand superstitieux et naïf, on sent l’enfant élevé à Gand près des canaux, des béguinages, des châteaux des comtes et des ruines de l’abbaye de Saint-Bavon. On croirait même que tout le drame de l’Intruse se passe chez lui, dans sa maison de campagne à Oostacker, et pourtant rien n’est désigné, rien n’est précisé, et si tout cela se passe en Flandre, cela peut aussi bien se passer au bout de l’univers.

Et dans l’admirable Pan de Van Lerberghe le même miracle ne s’accomplit-il pas ? La lutte de l’instinct sacré contre la convention sociale dogmatique, étroite, solennelle ne se livre-t-elle point partout, et le drame n’acquiert-il pas une signification haute où qu’on le joue ? Néanmoins les types que le poète imagine pour projeter sur la scène sa pensée sont à tel point nôtres, leur comique, leur grotesque sont à tel point marqués du sceau flamand que nulle part au monde on ne pourra douter que celui qui les déchaîna dans leur vie ridicule ne soit né au pays des Jordaens ou des Breughel.