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Page:Spaddy - Colette, ou les amusements de bon ton, 1937.djvu/41

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la fantaisie capricieuse de son esprit acheva de m’enchaîner à la séduction endiablée de son adorable personne. Au dessert, elle me dit tout à coup :

— Je veux boire à nos amours !

Je tendis ma coupe à ses lèvres. Elle les détourna avec un sourire moqueur.

— Enfant ! fit-elle, ce n’est pas ainsi que je l’entends !

Se rapprochant un peu plus de moi sur la banquette, dans le petit coin où nous étions, elle me déboutonna, harpa mon vit de sa main droite et, à l’abri de la nappe, se mit carrément à le secouer. Mon bras passé sur son épaule, je la regardais faire tout en lâchant mes ronds de fumée. Ses yeux dans les miens, elle me murmura :

— Quand tu y seras, avertis-moi, hein ?

— Quoi donc, Colette, observai-je assez effaré, c’est à la source même que vous comptez boire ?

— C’est mon affaire ! Laissez-vous seulement jouir !…

Je me fusse gardé de l’interrompre davantage par une curiosité intempestive. Elle faisait si bien ! Ah ! fichtre, quel velours que celui des trois jolis doigts dont elle jouait sous le scintillement de leurs pierres ! Le buste droit, un coude sur la table, nul n’eût soupçonné, tant elle y était habile, l’outrage public de son audace.

— Hein ? me disait-elle, si c’est savoureux à la barbe de tous ces gens !…