Page:Spencer - La Science sociale.djvu/33

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Quand on aura vu que, loin de supprimer les maux, on arrive tout au plus à en faire une nouvelle répartition et qu’il n’est même pas prouvé que cette nouvelle répartition soit toujours désirable, on comprendra la faiblesse de l’argument du « Il faut faire quelque chose. » Plus les hommes de science appliqueront à l’étude de cette classe de phénomènes, les plus compliqués de tous, les méthodes rigoureuses employées avec tant de succès pour les autres classes de phénomènes, plus ils se convaincront que, là moins qu’ailleurs, on ne peut conclure et agir sans avoir fait au préalable de longues recherches critiques.

Le même argument se reproduira cependant encore sous d’autres formes : « La conduite politique est affaire de compromis. » « Nos mesures doivent répondre aux besoins du moment et nous ne pouvons pas nous laisser arrêter par des considérations éloignées. » Les données nous manquent pour asseoir un jugement scientifique, la plupart n’ont pas été conservées ; les autres sont difficiles à trouver, et, une fois trouvées, d’une exactitude douteuse. « La vie est trop courte et elle réclame une trop grande part de nos énergies pour nous permettre l’étude élaborée qui semble requise. Nous sommes donc obligés de prendre le simple bon sens pour guide et de nous en tirer comme nous pouvons. »

Ces réponses sont celles des gens relativement doués d’esprit scientifique. Viennent ensuite ceux dont l’avis, avoué ou non, est qu’aucune recherche ne peut fournir le fil conducteur signalé. Ils ne croient pas à l’existence parmi les phénomènes sociaux d’un ordre déterminable, — suivant eux il n’y a pas de science sociale. C’est ce que nous allons discuter dans le prochain chapitre.