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ÉDUCATION

caractère commande sans doute le respect à ceux qui vivent par le cœur près de toi, mais non une confiance franche et spontanée. Je parle moins de ton emportement que du sentiment profond et troublant qui s’empare de toi, alors que tu parais au dehors calme et froid. »[1]

En dépit de ses austérités le baron von Hardenberg ne retrouvait pas la paix du cœur ou plutôt ses austérités aussi bien que ses scrupules religieux n’étaient que les manifestations d’un trouble moral plus profond, de cette hypocondrie persistante que le deuil avait enracinée en lui. Il y a dans Henri d’Ofterdingen une description de la maison paternelle, avec des détails trop significatifs et trop intimes, pour que Novalis ne les ait pas observés dans son entourage immédiat. « À la vérité » dit le jeune poète en parlant de son père, « j’ai souvent remarqué avec douleur en lui une mélancolie taciturne. Il travaille sans trêve ni repos, par habitude et non avec satisfaction intérieure ; il semble lui manquer quelque chose dont ni la paix et la tranquillité de sa vie, ni les avantages de sa position, ni la joie d’être honoré et aimé de ses concitoyens, d’être consulté dans toutes les affaires de la ville, ne peuvent lui tenir lieu. Ses amis le croient heureux, mais ne savent pas combien il est las de vivre, combien le monde lui paraît souvent vide, avec quelle ferveur il souhaite d’en sortir et comme il travaille avec tant d’acharnement, non par amour du gain, mais pour chasser de pareilles dispositions. »[1]

La mère du jeune Frédéric, la seconde femme du baron paraît avoir été une personne douce et effacée, d’une organisation délicate, d’un caractère docile, timide, un peu rêveur. Orpheline de très bonne heure, sans fortune, elle avait été recueillie par sa tante, Mme von Hardenberg, la mère du baron Érasme. Celle-ci, depuis l’établissement de son fils, vivait retirée dans sa maison de Gera. La jeune fille remplis-

  1. a et b Friedrich von Hardenberg. — Eine Nachlese aus den Quellen des Familienarchivs. — Gotha — 1883 — p. 29. Cet ouvrage été désigné dans la suite sous la simple rubrique « Nachlese »)