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Page:Spenlé - Novalis.djvu/16

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NOVALIS

sait là l’office humble et discret de parente pauvre. La première fois que « le riche cousin » vint en visite il s’informa avec quelque rudesse du nom de la jeune fille. « Bernhardine », répondit-elle en rougissant. « C’est un nom à dormir debout », fit-il en guise de compliment. « N’en avez-vous pas d’autre ? » Elle balbutia celui d’Augusta. « Bien », dit-il, « désormais je vous appellerai donc Augusta ». Mariée plus tard à ce cousin, dont il lui avait fallu dès le début subir les caprices autoritaires, elle ne semble avoir eu d’autre rôle que de mettre au monde, d’élever et de voir mourir ses onze enfants, dont un seul lui survécut, et de cacher parfois leurs faiblesses au regard sévère de leur père. Un accouchement avant terme développa en elle une mélancolie maladive et elle resta toujours si languissante, qu’elle dut se décharger sur sa fille aînée, la sérieuse Caroline, de la plus grande partie de son activité domestique. « Pendant des mois entiers » raconte la biographie de la famille, « elle se renfermait dans une apathie complète, ou bien encore tout la surexcitait et l’effrayait au suprême degré. »[1]

Il semblerait qu’elle eût transmis à ses enfants des hérédités physiques et nerveuses maladives, qui se traduisirent chez eux par une prédisposition native à la phtisie et aussi par le manque de forte organisation dans le caractère, par une certaine tendance à l’hypocondrie et à la rêverie, une sorte d’hystérie morale. Une fatalité tragique s’appesantissait sur la famille du baron von Hardenberg. La maladie et la mort visitaient souvent cet intérieur[2]. Le second fils, Érasme est le premier atteint du mal héréditaire. Pendant que Novalis se consume lentement on rapporte au foyer paternel le corps d’un jeune frère noyé dans la Saale, au milieu de circonstances restées mystérieuses. Charles, le troisième fils, apparaît dans les lettres de ses frères comme un esprit in-

  1. Nachlese etc. op. cit. p. 17.
  2. Le baron Érasme eut 7 fils et 4 filles. Les quatre filles moururent toutes entre 20 et 30 ans. Le quatrième fils, Antoine, seul survécut ; les autres moururent très jeunes. (Voir : Geschichte des Geschlechts von Hardenberg, — par Joh. Wolf. — Gœttingen, 1823, II, p. 244 et suiv.)