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ÉDUCATION

quiet, tourmenté, passionné, hanté par des idées de suicide et par des préoccupations mystiques. Auteur de quelques essais poétiques, où se trouve un pâle reflet du génie de son frère, il meurt en pleine jeunesse, après une soudaine conversion au catholicisme.

Le quatrième fils, Antoine, le seul qui survécut à ses parents, semble avoir été longtemps atteint de névrose hystérique. « Son esprit est agité d’un trouble convulsif », écrit à son sujet Novalis, « il est mécontent de tout et absolument inactif, et avec cela plein de chimères, de sensibilité et de prétentions. Je suppose que sa récente maladie est à la fois l’effet et la cause d’une direction et d’une disposition d’esprit morbides, qui ont pour siège le mental autant que le physique. »[1] Une petite toux sèche accompagnée de fièvre se déclare du vivant encore de Novalis, chez une plus jeune sœur, Sidonie. Enfin la fille aînée, la vaillante Caroline, devenue Mme de Rechenberg, s’étiole dans la même langueur maladive que sa mère, après un accouchement prématuré.

Telle fut l’étoile sous laquelle naquit Frédéric de Hardenherg, celui qui plus tard prendra dans la littérature le pseudonyme de Novalis. Rien ne permettait de prévoir d’abord en lui un esprit exceptionnel. Il passa ses premières années, jusqu’à l’âge de neuf ans, dans une rêverie taciturne où demeuraient comme engourdies ses activités intellectuelles. Une crise soudaine, à la suite d’une dysenterie, tira l’enfant de cet état de torpeur et fit place, sans transition, à une extraordinaire vivacité d’esprit. Le même trait a été relevé par Gœthe dans les « Confessions d’une belle âme », dont la psychologie offrira avec celle de Novalis plus d’un point de rapprochement. « Au début de ma huitième année », raconte l’héroïne de cet épisode de Wilhelm Meister, « j’eus une hémorragie et, à partir de cet instant, mon âme n’était plus que sentiment et réminiscence ». Peut-être est-ce un symptôme fréquent dans toute la famille des mystiques, que ces

  1. Peters. — General Dietrich von Miltitz — Meissen. 1863 p. 32.