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Page:Spenlé - Novalis.djvu/22

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NOVALIS

gures pas quel ramassis de valetaille est la milice française, des gens à sac et à corde (sic). »[1]

La société qui frayait chez le « Grand’Croix », libre en ses propos et en ses gestes, était d’un exemple dangereux pour un esprit vif, pour une imagination ardente et prompte à l’imitation. La riche bibliothèque du vieux célibataire contenait sans doute plus d’un livre que de jeunes mains ne devaient pas atteindre. On jugea prudent d’éloigner l’adoleseent, âgé de quinze ans à présent, et de lui faire donner au gymnase d’Eisleben une éducation mieux contrôlée. C’est là qu’il vit se lever l’astre de la Révolution, et, comme tous les jeunes Allemands du temps il eut sa crise révolutionnaire. Elle ne dépassa vraisemblablement pas en tragique véhémence celle des frères Stolberg, si spirituellement contée par Gœthe. Comme ces jeunes seigneurs étaient en visite à Francfort dans la maison du poète et faisaient grand étalage de leurs propos tyrannicides, la mère de Gœthe, qui de sa vie n’avait vu de tyran, si ce n’est dans de vieilles chroniques, et pensait que ce devait être une bien vilaine chose, alla quérir derrière les fagots quelques bouteilles du meilleur vin : « Voici du sang de tyran », fit-elle en leur servant le breuvage vermeil, et détourna du coup leurs ardeurs vers d’autres objets.

ANNÉES ACADÉMIQUES


En automne 1790 le jeune Frédéric von Hardenberg se présentait à l’Université d’Iéna pour y faire ses études juridiques, honnêtement doté par son père. Celui-ci pour subvenir aux charges d’une famille qui n’avait pas cessé de s’accroître, revenant à sa vocation première, s’était établi depuis quelques aimées à Weissenfels, dans les fonctions de directeur des salines. Le jeune étudiant, la tête pleine d’ambi-

  1. Nachlese, p. 58 et 59.