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Page:Spenlé - Novalis.djvu/239

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

substituts d’une pensée cachée. Mais comment s’expliquer que l’auteur, après avoir donné à Ginnistan les traits de la Mère, oublie jusqu’à la fin de lui rendre sa figure primitive ? Comment peut-elle être encore reconnue par les autres personnages, particulièrement par son père, le roi de l’empire lunaire, où elle a conduit l’amant inexpérimenté ?

Cependant plutôt que de juger l’auteur sur un essai assurément encore très imparfait, il y aurait quelque intérêt à voir les sources où il en a puisé l’inspiration première et surtout la conception générale à laquelle cet essai se rattachait dans sa pensée. — Une première source semble avoir été la littérature alchimique et cabalistique, encore très répandue à l’époque. Lui-même, on se le rappelle, parle dans son Journal d’ « écrits alchimiques », qu’il feuilletait au lendemain de la mort de Sophie, et se faisait envoyer d’iéna les œuvres de Helmont et de Robert Fludd. Une curiosité scientifique très vive et très impatiente, surexcitée plus que satisfaite par les découvertes récentes et encore mal interprétées des sciences positives, trouvait là un aliment plein de charmes. Le chercheur, attiré d’abord par l’obscurité énigmatique du signe, se trouvait ensuite miraculeusement satisfait lorsque, par des rapprochements ingénieux ou par une simple recherche étymologique, il avait découvert la pensée allégorique, cachée derrière les signes. La recherche de cette pensée et l’interprétation plus ou moins philologique d’une terminologie bizarre tenait lieu de l’étude directe des phénomènes. Comme toutes les aberrations, celle-ci pouvait devenir artistiquement intéressante. Un monde merveilleux, féerique, s’entr’ouvrait à l’imagination. Le jeune Gœthe s’y était plongé avec délices, lorsqu’en compagnie de son amie mystique, Mlle de Klettenberg, il étudiait et commentait Paracelse, Basile Valentin, Helmont. « L’aurea catena Homeri surtout m’enchantait », raconte-t-il. Ces écrits se rencontraient dans les plus modestes bibliothèques, à côté des almanachs et des ouvrages d’édification. Pendant le stage scolaire qu’il fit à Leindorf, Jung Stilling reçut un jour des mains d’un gar-