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Page:Spenlé - Novalis.djvu/47

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AMOUR MYSTIQUE

les détails de la naïve aventure. Au cours d’un voyage d’affaires qu’il avait fait, au mois de novembre précédent, en compagnie de son nouvel instructeur. « le Kreisamtmann » Just tous deux étaient tombés au château de Grüningen, au milieu d’une fête de famille sans doute, comme les voyageurs de Henri d’Ofterdingen dans la maison du vieux Schwaning. Un quart d’heure avait suffi pour fixer ce cœur instable. Les charmes de Sophie, la petite « rose de Grüningen », comme on disait au pays, la troisième fille de la maison, avaient-ils suffi pour opérer ce miracle ? N’avait-il pas fallu la conspiration tacite de tout son entourage, qui faisait valoir sa petite, personne espiègle, — toute cette âme de joie et d’insouciance répandue dans la maison ?

Il y avait là quelque chose de délicieusement nouveau pour celui qui avait été élevé dans les austérités d’un intérieur piétiste. « Un singulier et beau hasard m’a introduit dans le cercle d’une famille où j’ai rencontré ce que je n’osais presqu’espérer. Ce que m’a refusé la naissance, le sort me l’a accordé. Ce qui manque à mon cercle familial, je le trouve ici rassemblé dans un milieu étranger. Je sens qu’il y a des parentés plus étroites que les alliances du sang ». Ce qui faisait l’irrésistible attrait de cet « élysée » terrestre, c’était la cordiale sympathie qui, dès le seuil, gagnait les arrivants. Le maître de maison, le seigneur de Rockenthien, époux en secondes noces de Mme von Kühn, père adoptif de Sophie, avait toujours le mot pour rire, jovial, la main tendue et le cœur ouvert. La mère, la « femme au visage d’ange », n’était appelée dans le pays que « la mère aux beaux enfants ». Elle portait dans ses bras son huitième nourrisson, et quand sa fille aînée, déjà mariée, venait au château, à peine les distinguait-on l’une de l’autre, tant cette beauté maternelle avait gardé de fraîcheur dans son infatigable fécondité. La seconde fille. Caroline, l’assistait dans les soins du ménage : c’était la bonne fée de la maison, promenant dans tous les coins son activité invisible, trouvant encore le temps, entre doux occupations, d’accompa-