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Page:Spenlé - Novalis.djvu/55

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AMOUR MYSTIQUE

être avait-il présent à l’esprit le souvenir de la lettre citée plus haut et de cette courte entrevue, lorsqu’en juillet de la même année il composait sa critique du Woldemar de Jacobi, tant elle s’applique bien à cette disposition morale. Quant à lui, Schlegel, il augure mal d’une philosophie qui procède d’un besoin du cœur plus que d’une recherche calme et désintéressée de la vérité. Cette confusion, entre les besoins affectifs et la pensée philosophique, ne peut être avantageuse ni pour la netteté de l’esprit, ni pour la sincérité du sentiment, ni en général pour la santé et l’équilibre de la vie intellectuelle. À Novalis, qui lui annonçait l’étrange « amalgame » qui dans sa pensée s’opérait entre « Sophie et Philosophie », il aurait pu prédire que ni l’une ni l’autre ne pouvaient gagner grand’chose à cette alliance, mais que chacune risquait d’y perdre tout et que « celui qui demande à la philosophie de lui faire une Juliette en sera réduit tôt ou tard à cette héroïque formule du Roméo de Shakespeare ?

             Hang up, philosophy !
Unless philosophy can make a Juliet
. »

Le jeune fiancé avait écrit « le bonheur a sa méthode ». Mais quand on est jeune et amoureux est-il bien opportun de demander à Spinoza et à Zinzendorf le secret de cette méthode et n’est-ce pas déjà un signe inquiétant que d’être amené à l’y chercher ?

LA DÉSAPPROPRIATION


Il y a plus qu’un rapprochement fortuit, croyons-nous, entre les lettres du jeune Novalis et le Woldemar de Jacobi. Ce que Frédéric Schlegel, dans la critique de ce roman, voulait atteindre, c’était un type intellectuel et sentimental très répandu dans la littérature et la société allemandes. Ce type se rencontrait surtout dans une certaine classe de la société, assez indépendante des nécessités de l’existence pour donner de longs loisirs à l’analyse intérieure et aux jouissances