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Page:Spinoza - Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude.djvu/131

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DE L’ENVIE

1o Ou bien les choses nous paraissent comme possibles, c’est-à-dire comme pouvant être ou n’être pas ;

2o Ou bien comme nécessaires. Voilà pour les choses.

Les idées qui ont rapport à celui qui possède les idées sont : 1o ou bien qu’il faut faire telle chose pour que l’événement arrive ; 2o ou bien qu’il faut faire telle autre pour qu’il n’arrive pas.

C’est de ces diverses idées que naissent toutes les passions que nous avons nommées.

Lorsque nous considérons une chose future comme bonne et possible, l’âme acquiert cet état d’esprit que nous appelons espérance, qui n’est autre chose qu’une espèce de joie à laquelle est mêlée un peu de tristesse.

Lorsque nous considérons au contraire comme possible une chose mauvaise, il naît dans notre âme cet état d’esprit que nous appelons la crainte.

Si la chose future apparaît comme bonne et comme nécessaire nous éprouvons une sorte de tranquillité d’âme, qui s’appelle sécurité, espèce de joie à laquelle ne se mêle aucune tristesse, ce qui est le contraire de l’espérance.

Si la chose nous paraît à la fois nécessaire et mauvaise, l’état d’esprit qui en résulte est le désespoir, qui n’est autre chose qu’une certaine espèce de tristesse.

Après avoir parlé de ces passions et donné leur définition sous forme affirmative, nous pouvons maintenant réciproquement les définir d’une manière négative ; ainsi, on dira que l’espérance consiste à croire que tel mal n’arrivera pas ; la crainte, que tel bien n’arrivera pas ; la sécurité consistera dans la certitude que tel mal n’arrivera pas, et le désespoir enfin dans la certitude que tel bien n’arrivera pas.