Page:Spinoza - Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
DE L’UTILITÉ DE LA DOCTRINE PRÉCÉDENTE

pour son bonheur. Il nous reste à apprendre de quelle utilité peuvent être pour nous les affirmations précédentes, et cela est d’autant plus nécessaire que nous savons bien qu’elles déplairont à un grand nombre de personnes.

1o  Il suit de là que nous sommes en vérité les serviteurs et les esclaves de Dieu, et que c’est le plus grand bien pour nous qu’il en soit nécessairement ainsi. Car, si nous n’étions dépendants que de nous-mêmes et non de Dieu, il y aurait bien peu de chose, ou même rien, que nous serions capables de bien faire, et nous nous tromperions sans cesse nous-mêmes, à l’inverse de ce que nous voyons maintenant : en effet dépendant de l’être le plus parfait, et étant partie du Tout, c’est-à-dire de lui-même, nous contribuons pour notre part à l’accomplissement de tant d’œuvres admirablement ordonnées et parfaites qui dépendent de lui.

2o  En second lieu, cette doctrine fera qu’après l’accomplissement d’une bonne action, nous n’en tirerons pas avantage avec présomption (laquelle présomption est cause que, nous croyant quelque chose de grand comme si nous n’avions plus besoin de faire de progrès, nous restons au point où nous sommes : ce qui est entièrement contraire à l’idée de notre perfection, qui consiste en ce que nous devons sans cesse nous efforcer de faire de nouveaux progrès) ; mais au contraire nous attribuons à Dieu toutes nos actions, comme à la première et seule cause de tout ce que nous faisons et de tout ce que nous produisons.

3o  Cette connaissance, en produisant en nous le véritable amour du prochain, fait que nous n’avons jamais pour lui ni haine ni colère, et que nous désirons au contraire le secourir et améliorer sa condition : ce qui est le propre des hommes qui ont atteint une haute perfection ou essence.