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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

(par exemple, le corps de Pierre) et ensuite telle autre modalité (par exemple, le corps de Paul), il s’ensuit qu’il y a dans la chose pensante deux idées différentes, à savoir : l’idée du corps de Pierre qui forme l’âme de Pierre, et l’idée du corps de Paul qui forme l’âme de Paul. Or, la chose pensante peut mouvoir le corps de Pierre par l’idée du corps de Pierre, mais non pas par l’idée du corps de Paul ; de même aussi l’âme de Paul ne peut mouvoir que son propre corps et non pas un autre, par exemple celui de Pierre[1] ; et par conséquent elle ne peut pas davantage mouvoir une pierre quand elle est en repos : car à la pierre correspond à son tour une autre idée dans l’esprit ; de telle sorte qu’absolument aucun corps en repos ne peut être mis en mouvement par un mode quelconque de la pensée.

    pas dans l’un des manuscrits, ni dans la traduction latine de M. Van Vloten ; elle n’est que dans le manuscrit et dans la traduction allemande. Elle est rédigée d’une manière confuse et obscure : mais on y voit poindre l’origine de la théorie des idées adéquates et inadéquates ; on y reconnaît également en germe le fameux théorème de l’Éthique (prop. VII partie II) : Ordo et connexio idearum idem est ac Ordo et connexio rerum. (P. J.)

  1. Il est clair que dans l’homme, aussitôt qu’il a commencé à exister, il ne se rencontre pas d’autres propriétés que celles qui existaient déjà auparavant dans la nature ; et, comme il se compose d’un corps dont il doit nécessairement y avoir une idée dans la chose pensante, et que cette idée doit être nécessairement unie avec le corps, nous affirmons énergiquement que son âme n’est autre chose que l’idée de son corps dans la chose pensante. Maintenant, comme le corps a une certaine proportion de repos et de mouvement, qui habituellement est modifiée par les objets externes, et qu’aucun changement ne peut arriver dans le corps sans qu’il s’en produise autant dans l’idée, c’est là la cause de la sensation. Je dis cependant : une certaine proportion de repos et de mouvement, parce qu’aucune action ne peut avoir lieu dans le corps sans que ces deux choses y concourent. (MS.)