Page:Spinoza - Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
DE L’AMOUR DE DIEU POUR L’HOMME

peut servir à les faire agir d’accord avec les lois éternelles, qui ont été portées par Dieu de toute éternité, et les aide ainsi à coopérer avec le tout. Car, quoique les abeilles, par exemple, dans leur travail et le bon ordre qu’elles observent entre elles, n’aient d’autre but que de conserver pour l’hiver quelque provision, l’homme, qui leur est supérieur, en les soutenant et les surveillant, se propose un tout autre but, qui est de se procurer du miel. De même, l’homme, comme chose particulière, n’a pas d’autre fin que d’atteindre son essence finie ; mais, comme il est en même temps partie et instrument de toute la nature, cette fin de l’homme ne peut être la dernière fin de la nature, puisqu’elle est infinie, et qu’elle doit se servir de lui, ainsi que de toutes choses, comme d’un instrument.

Voilà pour les lois portées par Dieu. Quant à l’homme, il perçoit en lui-même une double loi : j’entends l’homme qui fait usage de son entendement et s’est élevé à la connaissance de Dieu : or, ces deux lois sont causées :

1o  La première, par l’union qu’il a avec Dieu ;

2o  La seconde, par l’union avec les modes de la nature.

De ces deux lois, la première est nécessaire ; l’autre ne l’est pas, car pour ce qui concerne la loi qui naît de l’union avec Dieu, comme il ne peut jamais cesser d’être uni avec lui, il doit avoir devant les yeux les lois suivant lesquelles il lui faut vivre pour Dieu et avec Dieu. Au contraire, quant à la loi qui naît de la communion avec les modes, il peut s’en délivrer, parce qu’il peut s’isoler des hommes.

Puisque donc nous établissons une telle union entre Dieu et les hommes, il serait permis de se demander comment Dieu se fait connaître aux hommes, et si cela arrive ou peut arriver par des paroles, ou