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Page:Spoelberch de Lovenjoul - Les Lundis d’un chercheur, 1894, 2e éd.djvu/114

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ALFRED DE VIGNY. 107 ville, il fallait passer la nuit exposés à un froid très cruel. Alors, comme les cabanes étaient révolutionnaires et se fermaient à des moines, ils se retiraient dans quelque cime- tière, demandant l’hospitalité et un abri sous leur tombe, à ces morts auxquels ils étaient aussi semblables par l’abandon et l’oubli du monde entier, que par leur pâleur et ces longues robes blanches qui les faisaient pa- raître comme des ombres errantes. Là, ils priaient et se félicitaient dans leurs cœurs de ce que Dieu leur donnait des misères plus grandes encore que celles qu’ils avaient inven- tées pour eux-mêmes. A Malgré tant de fatigues, la colonie silen- cieuse parvint jusqu’au royaume d’Espagne, alors paisible. Le peuple-moine baisa la robe des Trapistes ; et le roi Charles IV, se souve- nant qu’un vêtement semblable avait en vain tenté de contenir l’empereur Charles-Quint, et pensant que cette robe plus pesante l’eût pu faire, de peur qu’elle ne manquât à quelqu’un de ses descendans, s’il savait jeter le manteau royal, laissa vivre dans son royaume ceux chez qui l’on va mourir, voulut être le patron