aux regrets qui la causaient, on aurait dit que j’étais inquiète de ce qui s’était répandu sur M. de Serbellane et moi, et j’aurais manqué le but que je m’étais proposé : il faut fuir le monde, ou ne s’y montrer que triomphante ; la société de Paris est celle de toutes dont la pitié se change le plus vite en blâme. Ce fut donc par un effort que je débutai dans cette carrière de succès que vous vous plaisiez à peindre avec amertume ; cependant, j’en conviens, je m’animai par la conversation ; je m’animai, faut-il vous le dire ? par le désir de briller devant vous ; je vous sentais près de moi, je vous regardais souvent pour deviner votre opinion ; un sourire de vous me persuadait que j’avais parlé avec grâce, et le mouvement que cause la société quand on s’y livre était singulièrement excité par votre présence. L’émotion qu’elle me faisait éprouver m’inspirait les pensées et les paroles qui plaisaient autour de moi. Je m’adressais à vous par des allusions détournées, et, dans les questions les plus générales, je ne disais pas un mot qui n’eût un rapport avec, vous, un rapport que vous seul pouviez saisir, et que vous avez feint de ne pas remarquer.
N’importe, vous pouvez m’en croire, celle qui ne voit que vous dans le monde doit se plaire mille fois davantage dans la retraite avec vous ; et j’aurais eu la première l’idée d’aller à Bellerive, si je n’avais pas craint qu’en m’établissant au milieu de l’hiver à la campagne, je n’attirasse l’attention sur mes sentiments. Les habitués du monde de Paris ne conçoivent pas comment il est possible de supporter la solitude, et s’acharnent à dénigrer les motifs de ceux qui prennent le parti de la retraite. Je vous en préviens, afin que si la résolution que je vais prendre nuit à ma réputation, vous y soyez préparé, et que vous n’oubliiez point que vous l’avez voulu. Dans les malheurs qui peuvent m’atteindre, je ne crains que ce qui pourrait blesser votre caractère.
Le genre de vie que vous me proposez a mille fois plus de charmes encore pour moi que pour vous. Je hais la dissimulation qui me serait commandée au milieu du monde ; je croirai respirer un air plus pur quand je ne verrai personne devant qui je doive cacher l’unique intérêt qui m’occupe. Je ne mets qu’une condition à ma condescendance (condition toujours la même, quoi qu’il puisse nous arriver), c’est que vous ne me laisserez point ignorer ce que Mathilde pourrait savoir de notre affection l’un pour l’autre, et que si jamais elle en était malheureuse, je partirais à l’instant, sans que vous me suivissiez, j’en ai votre parole : c’est cette assurance qui me permet de