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Page:Staël - Réflexions sur le procès de la Reine, 1793.pdf/30

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vous avez élevé un échaffaut ! ce qui fit la force des premiers principes de la révolution, c’est qu’ils sembloient le retour aux idées naturelles ; quel plus terrible renversement des sentimens innés dans le cœur de l’homme que l’ostentation de la cruauté, que cette éloquence qui ne s’aide que de la menace, que ses sermens qui ne promettant que la mort, dans la sorte d’ivresse où plonge une révolution, on oublie jusqu’à sa propre nature, on croit le reste du monde changé comme soi-même ; mais l’homme de tous les pays, de toutes les opinions frémit à la redoutable pensée de la mort, et si l’on peut parvenir à l’enlever à cette sensation primitive, dès qu’il revient à lui, il déteste les moyens terribles qui l’ont détourné d’un sentiment invincible, d’un retour personnel, de l’humanité. Ah ! je veux vous parler selon vos désirs, arbitres de la vie de la Reine, je veux vous implorer, soyez justes, soyez généreux envers Marie Antoinette ; soyez aussi, soyez jaloux de sa gloire ; en l’immolant vous la consacrez à jamais. Vos ennemis vous ont fait plus de mal par leur mort que par leur vie ; vous étiez tout puissans quand vous avez commencé à punir, et si vous aviez été clémens envers eux, c’est alors qu’on auroit pû les