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Page:Staël - Réflexions sur le procès de la Reine, 1793.pdf/34

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goisses de la mort, enfin le jour sans espérance arriva, celui que les liens du malheur lui rendoient encore plus cher, le protecteur, le garant de son sort et de celui de ses enfans, l’intérêt tout puissant de son ame suspendue, cet homme dont le courage et la bonté sembloient avoir doublé de force et de charmes à l’approche de la mort, dit à son épouse, à sa céleste sœur, à ses enfans un éternel adieu, cette malheureuse famille voulut s’attacher à ses pas, leurs cris furent entendus des voisins de leur demeure, et ce fut le père, l’époux infortuné qui se contraignit à les repousser, craignant d’expirer dans leurs bras, ne voulant pas d’une mort si douce, et se réservant pour le supplice dont sa constance devoit faire la gloire de la Religion, et l’exemple de l’Univers. Le soir les portes de la prison ne s’ouvrirent plus, et cet événement dont l’impression remplit alors le monde, fut concentré dans la méditation solitaire de deux femmes malheureuses, qui ne furent soutenues que par l’attente du même sort. Nul respect, nulle pitié, ne consola leur misère, mais rassemblant tous leurs mouvemens au fond de leur cœur, elles surent y nourrir la douleur et la fierté ; cependant douces et calmes au milieu des outrages, leurs gardiens se virent obli-