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où de telles chances errent sur la destinée ! Mais je dois contenir la profonde tristesse qui m’accable ; je ne voudrois que pleurer, et cependant il faut raisonner, discuter un sujet qui bouleverse l’ame à chaque instant.

La calomnie s’est attachée à poursuivre la Reine, même avant cette époque où l’esprit de parti a fait disparoître la vérité de sur la terre. Une triste et simple raison en est la cause, c’est quelle étoit la plus heureuse des femmes, Marie Antoinette la plus heureuse ! hélas ! tel fut son sort, et le destin de l’homme est si déplorable que le spectacle d’une éclatante prospérité pèse sur le cœur de tous. Combien de fois n’ai-je pas entendu raconter l’arrivée en France, de la fille de Marie Thérèse, jeune, belle, réunissant à la fois la grace et la dignité, telle que dans ce tems on se seroit imaginé la Reine des Français, imposante, et douce, elle pouvoit se permettre tout ce que sa bonté lui inspiroit, sans jamais rien faire perdre à la majesté de ce rang qu’on exigeoit d’elle alors de respecter. L’ivresse des Français en la voyant fut inexprimable, le Peuple la reçut, non-seulement comme une Reine adorée, mais il sembloit aussi qu’il lui sçavoit gré d’être charmante et que ses attraits enchanteurs agissoient sur la multitude comme sur la Cour qui l’environnoit. Il n’y a