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DES CATHÉDRALES GOTHIQUES.

ils comptaient généralement un nombre relativement restreint d’ouvriers qui, en dehors de leur salaire, recevaient une gratification particulière lors de l’achèvement du travail qui leur était confié. En cas de difficulté ou de malfaçon, on avait recours à des experts. La « chambre aux traits » était le lieu où les maîtres d’œuvre dessinaient les plans des ouvrages à exécuter ou taillaient des modèles en légères planchettes que fournissait le chambrilleur ; ces plans et modèles s’appelaient des « molles ». C’étaient des cas très rares que ceux où l’architecte nouveau, abdiquant toute originalité, se bornait à copier les molles de ses devanciers et à adopter pour la nef, par exemple, les plans et les formes du chœur tracées par son prédécesseur : au contraire, on voit plutôt ces monuments conserver la marque des diverses époques auxquelles se rapporte chacune de leurs parties ; l’art du maître d’œuvre gothique sut généralement triompher de ces apparentes difficultés et arriva sans effort à combiner les éléments anciens avec les nouveaux en un tout étonnamment harmonieux. Il a su en outre analyser avec une extrême finesse les jeux de la perspective, et tenir compte de l’influence exercée par celle-ci sur l’effet des reliefs. Il n’a point dédaigné les contrastes et a préféré toujours à la froide régularité un travail individuel d’où sortait un perfectionnement ou une variété de technique. Il a inventé des combinaisons d’équilibre qui étonnent par leurs artifices et qui stupéfient par leurs résultats[1].

  1. Les maîtres d’œuvre jouissaient d’ailleurs d’une réelle considération. Par maint exemple nous le savons, ils étaient enterrés dans les églises qu’ils avaient contribué à édifier, et où une inscription disait à la postérité leurs mérites indiscutés. Les labyrinthes placés dans le dallage des cathédrales de Reims et d’Amiens, qui faisaient connaître aux passants leurs effigies et leurs noms, monuments commémoratifs inaugurés à l’occasion de l’achèvement de la partie principale du monument, sont demeurés longtemps des témoins précieux qui rappelaient leur participation successive à l’œuvre accomplie. À Chartres, au Mans, à Saint-Germer, des vitraux contemporains comportent une figuration de tailleurs de pierre où l’on croit voir l’effigie des architectes du monument.