Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/72

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— Comme sa gaieté convient mieux au chevalier que ma folle et ennuyeuse passion ! se disait la Campobasso.

Dans un inexplicable transport d’admiration et de haine, elle se jeta au cou de la comtesse. Elle ne voyait que les charmes de sa cousine ; de près comme de loin ils lui semblaient également adorables. Elle comparait ses cheveux aux siens, ses yeux, sa peau. À la suite de cet étrange examen, elle se prenait elle-même en horreur et en dégoût. Tout lui semblait adorable, supérieur chez sa rivale.

Immobile et sombre, la Campobasso était comme une statue de basalte au milieu de cette foule gesticulante et bruyante. On entrait, on sortait ; tout ce bruit importunait, offensait la Campobasso. Mais que devint-elle quand tout à coup elle entendit annoncer M. de Sénecé ! Il avait été convenu, au commencement de leurs relations, qu’il lui parlerait fort peu dans le monde, et comme il sied à un diplomate étranger qui ne rencontre que deux ou trois fois par mois la nièce du souverain auprès duquel il est accrédité.

Sénecé la salua avec le respect et le sérieux accoutumés ; puis, revenant à la comtesse Orsini, il reprit le ton de gaieté presque intime que l’on a avec une femme d’esprit qui vous reçoit bien et