Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dont trois blessés. Deux paysans qui ont survécu ont reçu deux sequins de gratification chacun et se sont enfuis ; j’ai envoyé les deux hommes non blessés au bourg voisin chercher un chirurgien. — Le chirurgien, vieillard tout tremblant, arriva bientôt monté sur un âne magnifique ; il avait fallu le menacer de mettre le feu à sa maison pour le décider à marcher. On eut besoin de lui faire boire de l’eau-de-vie pour le mettre en état d’agir, tant sa peur était grande. Enfin il se mit à l’œuvre ; il dit à Jules que ses blessures n’étaient d’aucune conséquence. — Celle du genou n’est pas dangereuse, ajouta-t-il ; mais elle vous fera boiter toute la vie, si vous ne gardez pas un repos absolu pendant quinze jours ou trois semaines. — Le chirurgien pansa les soldats blessés. Ugone fit un signe de l’œil à Jules ; on donna deux sequins au chirurgien, qui se confondit en actions de graces ; puis, sous prétexte de le remercier, on lui fit boire une telle quantité d’eau-de-vie, qu’il finit par s’endormir profondément. C’était ce qu’on voulait. On le transporta dans un champ voisin, on enveloppa quatre sequins dans un morceau de papier que l’on mit dans sa poche c’était le prix de son âne, sur lequel on plaça Jules et l’un des soldats blessé à la jambe. On alla passer le moment de la grande chaleur dans une ruine antique au bord d’un étang ; on marcha toute la nuit en évitant les villages, fort peu nombreux sur cette route, et enfin le surlendemain au lever du soleil, Jules, porté par ses hommes, se réveilla